Gustave Flaubert, Notes de voyages “ Presque toujours nous suivons une grande plaine, il n’y a qu’aux approches de Ekiissar que l’on monte un peu. La plaine est comme dans un parc, çà et là semée d’arbres espacés ; ce sont presque tous sapins ou chênes nains. La montagne de gauche, dont nous longeons le pied, est beaucoup plus boisée et plus belle que celle qui est à notre droite. Les montagnes ont la forme de grandes vagues, celles du fond sont bleu foncé ; le ciel est égayé de petits nuages blancs. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô (1862) “ Il était impossible aux Barbares de résister ; seuls, les fantassins grecs avaient des armures d’airain ; tous les autres, des coutelas au bout d’une perche, des faux prises dans les métairies, des glaives fabriqués avec la jante d’une roue ; les lames trop molles se tordaient en frappant, et pendant qu’ils étaient à les redresser sous leurs talons, les Carthaginois, de droite et de gauche, les massacraient commodément. Mais les Étrusques, rivés à leur chaîne, ne bougeaient pas ; ceux qui étaient morts, ne pouvant tomber, faisaient obstacle avec leurs cadavres ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet (1881) “ Bouvard voulut dresser le catalogue du muséum, et déclara ces bibelots stupides. Pécuchet emprunta la canardière de Langlois pour tirer des alouettes ; l'arme, éclatant du premier coup, faillit le tuer. Donc ils vivaient dans cet ennui de la campagne, si lourd quand le ciel blanc caresse de sa monotonie un coeur sans espoir. On écoute le pas d'un homme en sabots qui longe le mur, ou les gouttes de la pluie tomber du toit par terre. De temps à autre, une feuille morte vient frôler la vitre, puis tournoie, s'en va. ” [↩︎] Source : Gallica ▶︎
Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale (1869) “ Frédéric, ne sachant que répondre, ferma les yeux en baissant la tête. À propos d’Arnoux, Deslauriers lui apprit que son journal appartenait maintenant à Hussonnet, lequel l’avait transformé. Cela s’appelait « L’Art, institut littéraire, société par actions de cent francs chacune ; capital social : quarante mille francs », avec la faculté pour chaque actionnaire de pousser là sa copie ; car « la société a pour but de publier les œuvres des débutants, d’épargner au talent, au génie peut-être, les crises douloureuses qui abreuvent, etc..., tu vois la blague ! » ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô (1862) “ Ah ! comme tu seras heureux dans les grandes salles fraîches, au son des lyres, couché sur des fleurs, avec des bouffons et avec des femmes ! Ne me dis pas que l’entreprise est impossible ! Est-ce que les Mercenaires, déjà, n’ont pas possédé Rheggium et d’autres places fortes en Italie ! Qui t’empêche ? ! Hamilcar est absent ; le peuple exècre les Riches ; Giscon ne peut rien sur les lâches qui l’entourent. Mais tu es brave, toi ! ils t’obéiront. Commande-les ! Carthage est à nous ; jetons-nous-y ! — Non ! dit Mâtho, la malédiction de Moloch pèse sur moi. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Œuvres de jeunesse “ Voilà donc Henry à New-York avec Mme Renaud, il fallait songer à y vivre. A peine débarqués, leurs six mille francs s’étaient déjà réduits à quatre mille, les espèces se fondant tout aussi vite au soleil sous l’autre hémisphère que sous le nôtre. L’argent est un animal à la chasse duquel on use sa vie ; à peine quelquefois l’a-t-on saisi par la queue qu’il vous glisse des mains et que l’on tombe sur le derrière. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Madame Bovary (1857) “ Charles n’en resta pas moins fort penaud vis-à-vis d’Emma, celle-ci ne cachant point la rancune qu’elle lui gardait pour avoir manqué de confiance ; il fallut bien des prières avant qu’elle consentît à reprendre sa procuration, et même il l’accompagna chez M. Guillaumin pour lui en faire faire une seconde, toute pareille. — Je comprends cela, dit le notaire ; un homme de science ne peut s’embarrasser aux détails pratiques de la vie. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ La montagne est une succession de gorges les unes sur les autres ; quand on croit en avoir fini, on en a encore. — Oliviers magnifiques, vieux, creusés en dedans, larges ; les pierres ont des trous et ressemblent à des éponges ; elles tachent en gris la verdure des touffes de caroubiers, de lentisques et d’une espèce de petits chênes en buissons (rouvre ?) . Plus on monte, plus les pierres augmentent, la lumière blanchit et donne un ton d’une crudité féroce à la montagne grise (arbustes et herbes sur lesquelles la trace des limaces a l’air de givre, mais c’est avant la montagne) . ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Œuvres de jeunesse “ Ne sens-tu rien dans ton cœur qui fléchisse et qui te crie que tu es faible, humble et petit devant tout cela ? smarh. Oui, la nature fait peur ; ici tout n’est donc que crainte, appréhension ? satan. Quand l’homme marche, son pied glisse, il tombe ; quand sa pensée travaille, il glisse aussi, il tombe encore, il roule toujours, tu sais. Les étoiles disparaissent au ciel, de gros nuages passent sur la lune, la lueur blanche de celle-ci perce à travers ; bientôt les ténèbres couvrent le ciel, et l’obscurité n’est interrompue que par les lignes blanches que font les vagues sur les brisants. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
“ Oh! poète! se sentir plus grand que les autres, avoir une âme si vaste qu’on y fait tout entrer, tout tourner, tout parler, comme la créature dans la main de Dieu; exprimer toute l’échelle immense et continue qui va depuis le brin d’herbe jusqu’à l’éternité, depuis le grain de sable jusqu’au cœur de l’homme; avoir tout ce qu’il y a de plus beau, de plus doux, de plus suave, les plus larges amours, les plus longs baisers, les longues rêveries la nuit, les triomphes, les bravos, l’or, le monde, l’immortalité! ” [↩︎] Source : Gutenberg ▶︎
“ Et Yuk est encore là avec son ignoble figure; il bave sur la pourpre, il casse le marbre et fond l’or; il brise les statues, il boit les vins et crache sur les mets; il prend les femmes, les épuise depuis la tête jusqu’aux pieds, depuis les larmes jusqu’au rire, le corps et l’âme; il fait tout vil et laid, il vieillit la jeunesse, enlaidit la beauté, abaisse ce qui est grand, rend amer ce qui est doux, il dégrade la noblesse; le voilà qui s’établit comme un roi dans la volupté et qui la rend vénale, ignoble, crapuleuse et vraie. ” [↩︎] Source : Gutenberg ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô (1862) “ De temps en temps, il arrivait des files d’hommes complètement nus, les bras écartés et tous se tenant par les épaules. Ils tiraient, des profondeurs de leur poitrine, une intonation rauque et caverneuse ; leurs prunelles, tendues vers le colosse, brillaient dans la poussière, et ils se balançaient le corps à intervalles égaux, tous à la fois, comme ébranlés par un seul mouvement. Ils étaient si furieux que, pour établir l’ordre, les hiérodoules, à coups de bâton, les firent se coucher sur le ventre, la face posée contre les treillages d’airain. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ La montagne, à main gauche, est rayée en long, de place en place, par des lignes vert de bouteille, avec un fond plus brun, comme si le dessous était à l’encre de Chine : ce sont des sapins qui descendent, partant des grandes masses noires qui viennent après la zone de la neige. Du bas des sapins jusqu’à nous, grande pente creusée, couverte de verdure ; à main droite, la montagne de temps à autre s’achève en pans de murs naturels, placés à pic sur le sommet oblique de la montagne : ils s’arrêtent et reprennent, comme si l’intervalle qu’il y a entre eux fût une brèche qui les eût rasés. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Madame Bovary (1856) “ L’aventure est peu poétique ; elle prouve de plus ce qu’il y a de danger pour une femme de province à faire des dettes et à poursuivre un peu trop ardemment l’idéal par la commodité de l’Hirondelle, voiture qui fait le service de Yonville-l’Abbaye à Rouen. On finit par l’arsenic, et c’est ce qui a fait sans doute que la justice, qui avait évoqué ce roman devant elle, pour certains détails un peu libres, a fini par lui donner bien heureusement l’absolution légale pour le renvoyer devant son vrai juge, qui est le bon goût. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ Nous descendons, la vallée s’élargit, elle n’a plus l’air d’un fossé entre deux murs, mais d’une gorge à pentes très escarpées. Nous laissons les cèdres sur la droite et nous nous enfonçons dans la vallée. Après nous être carabossés de rochers en rochers et qu’Abou-Issa s’indigne toutes les fois qu’on dit : Allah !, voilà mes deux imbéciles qui prennent leurs voix dans les deux mains pour demander la route à des hommes qui travaillaient au loin dans la campagne. Station d’une demi-heure, les mulets batifolent dans les environs, l’âne est perdu, il faut aller chercher l’âne. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô (1862) “ Spendius, Narr’Havas et Mâtho expédièrent des hommes à toutes les tribus du territoire punique. Carthage exténuait ces peuples. Elle en tirait des impôts exorbitants ; et les fers, la hache ou la croix punissaient les retards et jusqu’aux murmures. Il fallait cultiver ce qui convenait à la République, fournir ce qu’elle demandait ; personne n’avait le droit de posséder une arme ; quand les villages se révoltaient, on vendait les habitants ; les gouverneurs étaient estimés comme des pressoirs d’après la quantité qu’ils faisaient rendre. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ De place en place, toutes les deux ou trois lieues environ (mais au reste sans régularité) , larges places de sable jaune et comme vernies par une laque terre de Sienne ; ce sont les endroits où les chameaux s’arrêtent pour pisser. Il fait chaud, à notre droite un tourbillon de khamsin s’avance, venant du côté du Nil, dont on aperçoit encore à peine quelques palmiers qui en font la bordure ; le tourbillon grandit et s’avance sur nous, c’est comme un immense nuage vertical qui, bien avant qu’il ne nous enveloppe, surplombe sur nos têtes, tandis que sa base, à droite, est encore loin de nous. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
“ Petite tête mignonne, pleine de gentillesse, joues pleines en haut, visage pointu du bas, petit menton, l’entre-deux des sourcils est de niveau avec la base du nez, plein. Ses cheveux sont disposés en 19 bandes parallèles, tout autour de sa tête, en long ; bandes rondes, les cheveux sont en large de la bande, par derrière réunis en chignon rond. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Madame Bovary (1857) “ L’auteur de Madame Bovary vise au vrai, soit ! qu’il s’applique toujours avec netteté et précision. L’excès de la couleur n’est pas la même chose que sa justesse. L’affection du langage s’allie mal à la dureté du trait. Drapés dans cette défroque du romantisme, les personnages de M. Flaubert, si peu flattés du côté moral, ressemblent parfois à ces intrigants des vieilles comédies qu’on voit courant les ruelles, couverts de paillettes et de broderies d’emprunt. Dans Mme Bovary, si elle peut vieillir, il y a tout l’avenir d’une marchande à la toilette... ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
“ L’offense à la morale publique est dans les tableaux lascifs que je mettrai sous vos yeux, l’offense à la morale religieuse, dans des images voluptueuses mêlées aux choses sacrées. J’arrive aux citations. Je serai court, car vous lirez le roman tout entier. Je me bornerai à vous citer quatre scènes, ou plutôt quatre tableaux. La première, ce sera celle des amours et de la chute avec Rodolphe, la seconde, la transition religieuse entre les deux adultères ; la troisième, ce sera la chute avec Léon, c’est le deuxième adultère, et enfin la quatrième que je veux citer, c’est la mort de Mme Bovary. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Œuvres de jeunesse “ Et si tu arrivais à ne voir dans l’infini qu’un vaste néant? Va, laisse celui qui a fait tous les grains de poussière brillants, il a maintenant pitié de son œuvre, il s’inquiète peu si le vermisseau mange et s’il meurt; il est là-haut, bien haut sur nous tous, il s’étend sur l’immensité, il la couvre de sa robe comme un linceul de mort, et il regarde les mondes rouler dans le vide; il est seul dans cette immobile éternité; il était grand, il a créé, et sa création est le malheur. ” [↩︎] Source : Gutenberg ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ Partis à 5 heures, routes dans les sables, entre des nopals, comme en sortant de Beyrout du côté des pins. — Fontaine d’une construction pareille à celle du khan ci-dessus : colonnes, tourelles à cônes, une grande arcade au milieu, qui est la fontaine ; derrière, trois cyprès. C’est un carrefour : un homme se tenant près de la fontaine, à gauche. — Campagne plate, avec de doux et larges mouvements (çà et là un carré de sésame, en approchant de Ramleh) , ton général blond quoique très cru. Le ciel est excessivement bleu et sec, sans nuages ; à l’horizon, fond laiteux des montagnes. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
“ Deux longs et larges souterrains, l’un vers l’angle Nord-Est et l’autre vers l’angle Nord-Ouest, s’ouvrent sous la forteresse : le premier est décoré à la voûte par des bustes pareils à ceux qui se trouvent au plafond de la galerie extérieure du naos ; le jour arrivant sur eux, couchés horizontalement, éclaire le front et accuse fortement les ombres, cela donne de la vie à ces figures où l’on ne distingue plus grand’chose. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
“ De là, j’ai le Caire sous moi ; à droite le désert, avec les chameaux glissant dessus et leur ombre à côté qui les escorte ; en face, au delà des prairies et du Nil, les Pyramides : le Nil est tacheté de voiles blanches, les deux grandes voiles entre-croisées en fichu font ressembler le bateau à une hirondelle volant avec deux immenses ailes. Le ciel est tout bleu, les éperviers tournoient autour de nous ; en bas, bien loin, les hommes tout petits, ils rampent sans bruit. La lumière liquide paraît pénétrer la surface des choses et entrer dedans. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô “ Un homme s'élança sur le cadavre. Bien qu'il fût sans barbe, il avait à l'épaule le manteau des prêtres de Moloch, et à la ceinture l'espèce de couteau leur servant à dépecer les viandes sacrées et que terminait, au bout du manche, une spatule d'or. D'un seul coup il fendit la poitrine de Mâtho, puis en arracha le cœur, le posa sur la cuillère; et Schahabarim, levant son bras, l'offrit au soleil. ” [↩︎] Source : Gutenberg ▶︎
Gustave Flaubert, Notes de voyages “ Le Nil est couleur bleu sale ou ardoise pâle, les montagnes sont gris noir. Le soleil toute la journée a été caché, le ciel pâle et sale. — Fort vent d’ouest. — Nous sommes arrêtés maintenant près d’une sakieh ; à mesure que l’on avance, elles deviennent de plus en plus couvertes. Korosko. — Paysage grandiose et dur, encadré (lorsqu’on arrive) par deux vieux gazis. — Grandes montagnes de pierre : une, deux et la troisième par derrière. — Dans la gorge à droite en débarquant de la barque, est le commencement du chemin de Kartoum, c’est par là qu’on s’en va. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, Salammbô (1862) “ Le lendemain, on aperçut les tentes des Mercenaires sur la montagne des Eaux-Chaudes. Alors le désespoir fut si profond, que beaucoup de gens, des femmes surtout, se précipitèrent, la tête en bas, du haut de l’Acropole. On ignorait les desseins d’Hamilcar. Il vivait seul, dans sa tente, n’ayant près de lui qu’un jeune garçon, et jamais personne ne mangeait avec eux, pas même Narr’Havas. Cependant, il lui témoignait des égards extraordinaires depuis la défaite d’Hannon ; mais le roi des Numides avait trop d’intérêt à devenir son fils pour ne pas s’en méfier. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎
Gustave Flaubert, L'Éducation sentimentale (1880) “ On se console des femmes vertueuses avec les autres. Veux-tu que je t'en fasse connaître, des femmes ? Tu n'as qu'à venir àl'Alhambra. » (C'était un bal public ouvert récemment au haut des Champs-Élysées, et qui se ruina dès la seconde saison, par un luxe prématuré dans ce genre d'établissements.) « On s'y amuse à ce qu'il paraît. Allons-y ! Tu prendras tes amis si tu veux ; je te passe même Regimbart ! » Frédéric n'invita pas le Citoyen. Deslauriers se priva de Sénécal. Ils emmenèrent seulement Hussonnet et Cisy avec Dussardier ” [↩︎] Source : Gallica ▶︎
Gustave Flaubert, Madame Bovary (1857) “ « Il y a dans ce roman, écrit une correspondante de Flaubert, Mme Roger des Genettes, l’écho de tout ce qui est en nous, les espoirs et les tristesses, l’éternel recommencement de nos désirs qui se brise contre l’impassible nature. L’avortement de tout fait la grandeur et la mélancolie de cette œuvre. » L’Éducation fut moins comprise encore que Salammbô. Ce livre, peut-être le préféré de l’auteur, ce livre où vit Mme Arnoux, le plus beau de ses personnages, ce livre qui, vers 1880, deviendra la bible de toute une génération littéraire, passa inaperçu. ” [↩︎] Source : Wikisource ▶︎